Dossier Darwin : IV ) Les apports récents


Lundi 28 juillet 2008

Cette synthèse est publiée sur mon blog en 5 parties : avant Darwin, Darwin, après Darwin, les apports récents, théorie de l’évolution et société.
La partie historique doit beaucoup au livre de Stephen Jay Gould : La structure de la théorie de l’évolution (Gallimard 2000) que je conseille de lire à ceux qui s’intéressent à cette théorie.

IV) Les apports récents

Contrairement à ce que l’on pourrait croire la théorie de Darwin n’est pas restée figée, si la synthèse moderne a pu être considérée comme un aboutissement réalisé au milieu du siècle dernier, d’autres auteurs ont continué et continuent à explorer les points faibles de la théorie et proposent des améliorations. Parmi ceux-ci Stephen Jay Gould a été le plus actif.

Stephen Jay Gould (1941- 2002).

Dans son livre La structure de la théorie de l’évolution (voir introduction du Lundi 30 Juin 2008), Gould fait un historique du Darwinisme en s’intéressant aussi aux auteurs qui ont proposé des théories évolutionnistes non darwiniennes et cela pour mettre en relief ses propres conceptions. Je vais résumer celles-ci au regard de la synthèse moderne.

L’équilibre ponctué. (Co-auteur Eldredge)
Darwin considère que le processus de sélection naturelle aboutit graduellement à créer de nouvelles espèces. Malheureusement l’examen des couches stratigraphiques ne présente pas les étapes intermédiaires de la spéciation. Cette absence est attribuée par Darwin aux lacunes géologiques. Selon Gould et Eldredge, l’examen des espèces fossiles, durant leur présence dans les couches géologiques, montre quelles ont des caractéristiques relativement constantes : c’est la stase. Par ailleurs leur apparition, si on se réfère aux durées géologiques, est presque instantanée : c’est la ponctuation. Ce processus d’apparition discontinu est en accord avec la spéciation allopatrique mise en évidence par Mayr.
En résumé les espèces acquièrent leurs caractères distinctifs au moment de leur naissance et les gardent pendant toute leur existence géologique.

La macro-évolution.
Darwin considère que l’agent sur lequel agit la sélection naturelle est l’individu. Cette sélection naturelle agit par petites touches et, sur les temps géologiques, ces petites touches modifieront peu à peu la population jusqu’à faire naître une nouvelle espèce. Ce processus lent et continu est la microévolution. L’équilibre ponctué de Gould fait de l’espèce un individu darwinien qui sera soumis à tous les éléments de la sélection naturelle, qui pourra supplanter d’autres espèces, en donner de nouvelles, disparaître à son tour. C’est la macroévolution. 
Ceci s’inscrit dans la théorie hiérarchique qui, à l’opposé de la théorie de Darwin, reconnaît plusieurs sortes d’individus évolutionnistes : les gènes au sein des cellules, les cellules au sein des organismes, les organismes au sein des dèmes (groupe d’individus comme la tribu), les dèmes au sein des espèces, les espèces au sein des clades (groupe d’espèces issues d’un même ancêtre). Cette théorie a conduit certains auteurs à faire du gène la cible fondamentale de la sélection naturelle (le gène égoïste) ce qui est faux. Celui-ci n’est que le résultat comptable de la sélection (le gène est seulement multiplicateur, l'individu darwinien est multiplicateur et inter acteur), en revanche la présence dans le génome de zones non codantes et de remaniements fréquents pourrait constituer des réserves pour l’évolution future et dans ce cas on peut parler d’ADN égoïste.

Dans le même esprit Kimura (1963), considérant que la plupart des modifications au niveau de l’ADN sont sans effet immédiat, a proposé la théorie neutraliste de l’évolution moléculaire.

Ces points de vue s’éloignent beaucoup de la théorie darwinienne et les inclure dans celle-ci mérite une longue réflexion que je ne ferai pas.

Les contraintes historiques.
« Dans quelle mesure les traits actuellement adaptatifs ne sont-ils pas apparus par un processus d’adaptation mais ont été cooptés à partir d’un état d’existence originel qui n’avait pas de sens adaptatif ». Gould cite, pour illustrer la contrainte historique, les gènes homéotiques qui interviennent sur le développement de la fleur à partir d’un archétype foliaire général ou par suppression des appendices segmentaires chez les insectes à partir d’un archétype muni d’appendices à chaque segment. Chez les plantes l’intervention régulatrice de ces gènes fait apparaître les différentes pièces de la fleur. Chez les insectes les gènes homéotiques Hox répriment l’apparition des ailes sur tous les segments du corps autres que les segments thoraciques 2 et 3.

Les contraintes structurales, expansions structurales, exaptation. (Co-auteur Elisabeth Vbra)
«L’évolutivité d’un phénotype quelconque dépend nécessairement d’une certaine flexibilité…celle-ci doit être attribuée aux caractéristiques structurales intrinsèques de traits qui sont apparus par sélection naturelle pour une raison donnée, mais qui manifestent aussi une disposition à être réaffectés ultérieurement ». Un exemple remarquable de la réorientation est celui de la plume qui était apparue sur un petit dinosaure coureur pour des besoins de thermorégulation et qui a été cooptée pour le vol des oiseaux.

« D’autres traits important (et maintenant adaptatifs) sont apparus à l’origine pour des raisons non adaptatives ». Des contraintes nécessaires à la réalisation d’une structure tridimensionnelles engendrent des expansions structurales non adaptatives qui sont cooptées plus tard pour devenir adaptatives. On rejoint ici le structuralisme morphologique d’auteurs comme Geoffroy St Hilaire qui avait été presque totalement oublié. Un exemple illustrant une expansion structurale est l’axe ou ombilic de la coquille des escargots. Cet axe généralement vide a été coopté chez certaines espèces pour l’incubation des œufs.

Que ce soit une réorientation ou l’utilisation d’une expansion structurale Gould et Vbra appellent cela des exaptations.

Rôle du hasard
Des groupes peuvent s’éteindre à la suite d’un « changement de règles » suite à des altérations catastrophiques de l’environnement lors des épisodes d’extinction de masse. Ainsi la chute d’un météorite à la fin du crétacé serait à l’origine de l’extinction de masse des dinosaures et aurait laissé la place aux mammifères (et donc plus tard à l’homme).

De tous les ajouts de Gould à la synthèse moderne, il me semble que le plus important est celui de l’équilibre ponctué qui apporte une explication aux lacunes géologiques relatives aux fossiles intermédiaires. Les autres méritent sans doute d’être rappelés mais ne modifient pas fondamentalement la théorie de l’évolution.

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