Les granulés de bois et l'effet de serre.

Mercredi 5 Avril 2017


Nous avons vu dans le billet précédent que l’utilisation du bois d’une forêt comme combustible était neutre vis-à-vis de l’effet de serre dans la mesure où la forêt était replantée après son exploitation ; en effet au cours de leur croissance les jeunes arbres allaient réutiliser du CO2 pour fabriquer par photosynthèse leurs sucres. Cette situation a conduit des sociétés productrices d’électricité à faire du bois un nouveau combustible pour leurs centrales thermiques afin d’éviter des pénalisations en tant  qu’émettrices de gaz à effets de serre. Plusieurs pays du nord de l’Europe comme l’Angleterre, la Belgique, la Hollande et le Danemark ont construit des centrales brulant du bois et converti des centrales à charbon en centrales à bois, ils se prévalent ainsi d’un recyclage du carbone et non d’une aggravation de l’effet de serre.

D’où vient le bois ? Essentiellement des Etats Unis et plus précisément des forêts de Caroline du Nord et des Etats américains du sud-est qui ont d’immenses forêts de chênes et de pins à croissance rapide. Lors d’une coupe, les grosses branches et les petits arbres non utilisables comme bois d’œuvre sont transportés dans des usines spécialisées où ils sont broyés et transformés en granulés qui seront vendus comme combustible. Les exportations vers l’Europe étaient encore insignifiantes en 2005, elles ont atteint en 2016 : 6,5 millions de tonnes ce qui commence à provoquer de nombreux débats entre partisans et adversaires de cette nouvelle activité économique qui accélère les coupes forestières et risque, au moins dans le court terme, d’affecter la forêt américaine.
  
Cette stratégie, pour atténuer les émissions de CO2, est-elle satisfaisante ?  Cette question est posée dans un article* de la revue américaine Science et les différents points de vue présentés n’en donnent pas une réponse évidente.

Examinons d’abord l’aspect économique ; il dépend  essentiellement du comportement humain. L’utilisation des granulés de bois comme combustible donne aux forestiers une ressource  supplémentaire car ils  sont fabriqués avec des restes d’exploitation qui jusqu’ici étaient  abandonnés. Avec la demande accrue en granulés de bois, les propriétaires forestiers ne seront-ils pas encouragés à replanter  des arbres là où des coupes ont été faites et peut-être même à convertir en forêt  là où existaient cultures ou pâturages. A l’opposé, on ne peut pas exclure non plus, la conversion des espaces libérés par l’abattage des arbres en terres agricoles ou en terrains à bâtir !

Voyons maintenant l’aspect écologique ; sur un cycle biologique c’est-à-dire depuis la coupe des arbres jusqu’à leur remplacement par replantation et croissance jusqu’à possibilité d’une nouvelle coupe,  la réduction des émissions de gaz à effets de serre, par rapport à l’utilisation du charbon, serait de 74 à 85%. Cependant si l’on se mettait soudainement à n’utiliser que du bois, pour remplacer le charbon dans les centrales thermiques, en pensant que les jeunes replantations réabsorberaient plus tard le CO2 émis, cela pourrait causer, les premières années suivant l’exploitation, des dommages irréversibles comme la fonte des glaces  car il n’y aurait plus assez de forêt adulte pour reprendre le carbone émis . Un autre aspect néfaste du point de vue des émissions de gaz à effet de serre concerne l’activité microbienne du sol dans la zone d’abattage des arbres. Le passage des machines entraîne une aération de la litière qui s’est formée à leur pied provoquant une activité accrue des bactéries aérobies, il en résulte une dégradation rapide de la matière organique et une émission importante de CO2 due à la respiration bactérienne. Plus grave encore est ce que la disparition de la forêt entraîne dans l’immédiat ; l’arbre est un élément majeur de l’écosystème forestier, il sert d’abri à de nombreuses espèces : végétales de sous-bois, et animales (insectes,  oiseaux, mammifères etc.). Il contribue aussi de façon majeure à leur nourriture. L’abattage des arbres va provoquer un cataclysme pour ces espèces dépendantes pouvant entraîner leur mort sinon leur fuite vers d’autres lieux dont l’équilibre écologique sera bouleversé.

L’utilisation brutale de la forêt comme source d’énergie propre doit être rejetée. Si l’utilisation des déchets de coupes pour fabriquer des granulés de bois destinés au chauffage ou à l’alimentation  des centrales thermiques est souhaitable, la demande en granulés ne doit pas être un argument pour accélérer l’exploitation des forêts.


*W. Cornwall, Science, 6 janvier 2017, N° 6320, pp.18-20.  



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