Les Hominines en Afrique du Sud

Dimanche 5 Octobre 2025


Il y a 2 millions d’années où se situent les découvertes anthropoïdes faisant l’objet de cette étude, le sous ordre des Hominoïdes ou singes primates sans queue apparu il y a 25 millions d’années avait bien évolué. De ce groupe avait émergé la famille des Hominidae (17 millions d’années) en divergence avec les Hylobatidae (gibbons), puis la sous famille des Homininae (13 millions d’années) en divergence avec les Ponginae (Orang outan), la tribu des Hominini  (8 millions d’année) en divergence avec les Gorillini (Gorilles), enfin la sous tribu des Hominina ou Hominines (6 millions d’années) en divergence avec les Panina (Chimpanzés). Ces Hominines ont pour caractère principal la bipédie, ils comprennent plusieurs genres dont le plus important est le genre Homo qui donnera bien plus tard Homo sapiens.

Après ce rappel de la phylogénie qui retrace l’origine de l’espèce humaine, nous nous arrêtons donc il y a 2 millions d’années en Afrique du Sud dans la zone dite « le berceau de  l’humanité ». Ce site de 470 km2 (proche de Johannesburg) a été retenu par l’UNESCO comme héritage mondial de l’humanité car il recèle la plus grande concentration de restes humains Hominines.

L’article d’une Journaliste Scientifique* dont nous résumerons ici l’essentiel, attire l’attention sur la richesse de ce site et des questions qu’il pose.

Il commence par les découvertes de José Braga (anthropologue Professeur à l’Université Paul Sabatier de Toulouse) et de son équipe qui en 2014 découvrent dans  une excavation dolomitique remplie de sédiments de la région de Kromdraai ville incluse dans « le berceau de l’Humanité », une mâchoire datée de 2 millions d’années appartenant à notre genre Homo (Homo erectus) ; l’année suivante  il découvre les restes très proches dans la fouille et datés de 2 millions d’années, de mâchoires de deux enfants :  l’une du genre Homo, l’autre du genre Paranthropus plus ancien (Hominine grimpeur) ; Enfin en 2019 il mettra à nu, quelques mètres plus loin un crane du genre Australopithecus.

Ce sont donc trois genres d’Hominines y compris un de nos ancêtres direct qui ont coexisté il y a deux millions d’années environ.

De nouvelles découvertes, ainsi qu’un réexamen des découvertes anciennes ont montré qu’une demi-douzaine de divers Hominines vivaient en même temps, il y a deux millions d’années, dans la zone dite « Le Berceau de l’Humanité ».

Ces trois genres d’hominines marchait debout, étaient de petite taille, avaient vraisemblablement le corps recouvert de poils et un petit cerveau. Ils vivaient dans une zone forestière bordant une rivière. Les femelles étaient de petite taille suggérant une structure sociale dans laquelle quelques mâles accompagnaient un groupe de femelles et leurs enfants.

Cependant Paranthropus avait une tête robuste avec des crêtes d’attache des muscles de la mâchoire très développés comparé à Homo dont les mâchoires et les dents étaient plus petites et la face plus aplatie. Quant au genre Australopithecus d’Afrique du Sud il ressemble à Lucie premier Australopithèque découvert en Afrique de l’Est, il grimpait aux arbres et pouvait avoir utilisé des outils.

La coexistence vraisemblable sur un même lieu de ces trois espèces questionne, y avait-il dans leur comportement quelque chose qui le permettait ? Y avait-il entr’eux antagonisme ou indifférence ? Il n’y a pas de réponse précise à ces questions. Etant donné les différences dans leur anatomie faciale, plusieurs chercheurs ont pensé que ce qui les séparait résidait dans leur nourriture. Paranthropus avec ses fortes mâchoires et grosses dents mangeait des aliments végétaux durs (noix, racines, feuilles d’arbres) ; Homo avec ses petites dents mangeait une  nourriture plus mole et de la viande. Australopithecus était omnivore (fruits, feuilles et peut-être quelques petits animaux). Enfin comment se fait-il que l’un de ces trois genres, le nôtre : Homo, ait survécu alors que les autres ont disparu ? Dans « le Berceau de l’Humanité » 30 à 40% des fossiles sont des enfants de Paranthropus, il est bien moins nombreux pour le genre Homo. Selon José Braga, « Les premiers Homo ne se seraient pas seulement adaptés au milieu physique, ils auraient créé une niche sociale et développementale qui a permis la survie et le développement de plus de descendants ».

 

*Ann Gibbons Science 24 Juin 2025, pp.332-335.        

Comment la photosynthèse est affectée par la chaleur.

Mardi 5 Août 2025

 

La revue Science consacre une édition spéciale au comportement des plantes face au réchauffement climatique ; nous avons choisi de résumer l’un des articles* de cette édition pour rappeler les  effets de la chaleur sur la photosynthèse, processus fondamental dans le monde vivant car il transforme, dans les chloroplastes des plantes, l’énergie solaire en composés biochimique énergétiques : les sucres, qui vont être utilisés comme source d’énergie par tous les métabolismes des êtres vivants.

Cet article examine uniquement le comportement des  plantes utilisées en culture : plantes en C3 les plus nombreuses dont la première molécule issue de l’assimilation du CO2 par la photosynthèse est le phospho-glycerate à 3 atomes de carbone et les plantes en C4 plus rares (maïs, millet, sorgho, canne à sucre) dont la première molécule issue de l’assimilation du CO2 est l’acide oxalo-acetique à 4 atomes de carbones.

L’activité photosynthétique est d’abord croissante lorsque la température augmente jusqu’à atteindre un optimum qui est de 25°C pour les plantes en C3 et de 35°C pour les plantes en C4 ; au-delà de ces optima, la photosynthèse baisse fortement jusqu’à disparaître vers 45°C. En plein soleil, l’énergie absorbée par la chlorophylle pour la photosynthèse est en excès ; cet excès doit-être dissipé pour limiter l’échauffement des feuilles. Trois phénomènes physiques limitent ce réchauffement : l’évaporation de  l’eau, la convection et la radiation. Si ces phénomènes sont insuffisants, la température de la feuille augmente et peut aboutir à la destruction de cellules et même de la feuille. Ce stress hydrique est exacerbé, nous allons le voir, par la sècheresse.

L’eau disponible au niveau de la feuille est celle de l’évapotranspiration de la plante. Si l’eau est présente dans le sol, les racines absorbent cette eau qui remonte jusqu’aux feuilles et, par les vaisseaux du bois, elle s’évapore au niveau des stomates si ceux-ci sont ouverts. Notons déjà que sur un sol sec il n’y aura pas d’eau disponible au niveau des stomates et l’arbre ne pourra pas l’utiliser pour se refroidir. Dans le cas où le sol a des réserves d’eau, l’ouverture des stomates libérant l’évapotranspiration est dépendante du déficit de pression de vapeur d’eau de l’air  (différence entre la pression de la vapeur d’eau à saturation et la pression de vapeur d’eau de l’air du moment) ce déficit s’accroit exponentiellement  avec la température, de sorte que les stomates se referment pour que la plante ne se déshydrate, privant ainsi la photosynthèse d’une protection contre la chaleur.

Les pertes de chaleur par convection évitent une stratification des couches d’air ; l’air chaud étant plus léger que l’air froid va s’élever et être remplacé par de l’air plus froid ce qui maintient la température ambiante des feuilles mais ne les refroidit pas. Le phénomène de dissipation d’énergie par rayonnement est plus intéressant à analyser car certaines plantes ont acquis, par la sélection naturelle, des propriétés qui accroissent la réflectivité des feuilles : feuilles recouvertes d’une épaisse couche de cire, feuille recouvertes de poils et quantité plus faible de chlorophylle présentes dans les feuilles. L’angle d’attache des feuilles sur les rameaux peut réduire l’interception du rayonnement solaire. A midi, lorsque le soleil est haut, les  feuilles érigées interceptent moins les radiations que si elles étaient horizontales. Ceci est valable pour l’ensemble de la canopée, si un arbre a un port érigé, il intercepte moins les radiations que si son port est étalé. Le parahéliotropisme est la propriété de certaines plantes dont les feuilles changent d’orientation avec la direction du rayonnement solaire.

Enfin au niveau moléculaire l’augmentation de la température va agir sur la Rubisco (Ribulose-1-5-biphosphate carboxylase/oxygénase) enzyme qui chez les plantes en C3 catalyse la fixation du CO2 sur le ribulose-1-5- biphosphate pour donner du phospho-glycerate (voir plus haut). Celle-ci bifonctionelle, exerce alors son activité d’oxygénase et fixe le dioxygène sur le carbone c’est son activité photo-respiratoire. Cette activité prend le pas sur l’activité photosynthétique chez les plantes en C3 lorsque la température augmente ce qui explique leur moindre production photosynthétique à température élevée que les plantes en C4.

En définitive, lorsque la température augmente au-delà de leur seuil optimum d’efficacité photosynthétique, les plantes perdent peu à peu leur capacité à nous fournir de la vapeur d’eau, de l’oxygène et à fixer le CO2.

 

*Carl J. Bernacchi et al. Science 12 juin 2025, pp1153-1159. 

Biodiversité dans un isolat.

Jeudi 3 Juillet 2025


Un isolat est un territoire naturel séparé du domaine naturel global par un espace qui constitue une rupture aux échanges biologiques entre les deux territoires. Le modèle le plus simple est l’ile, mais un parc dans la ville est aussi un isolat tout comme une parcelle abandonnée a son état naturel dans un vaste espace agricole. Que deviennent les populations qui y vivent, en quoi diffèrent-elles du domaine naturel global ?  C’est ce dont nous allons parler dans ce billet.

La diversité spécifique (le nombre d’espèces) se réalimente par l’immigration provenant du domaine naturel global, elle dépendra donc de la distance qui sépare l’isolat de ce dernier. Si cette distance est très grande, les espèces végétales qui se déplacent peu ou qui ont un faible taux de dispersion de leurs graines ou de leurs spores ne pourront rejoindre l’isolat, il en sera de même pour les espèces animales à faible rayon de déplacement. Un autre facteur qui influencera la diversité spécifique est la taille de l’isolat. Plus il est grand, plus les niches d’hébergement y seront nombreuses et donc plus la capacité d’accueil des immigrants sera importante. Sa richesse alimentaire (richesse du sol, disponibilité en eau), sa position climatique (zone tropicale humide) vont aussi favoriser les possibilités d’accueil et donc la biodiversité.

Nous avons vu ce qui pouvait être favorable au maintien de la diversité spécifique, voyons maintenant ce qui va contribuer à l’élimination d’espèces présentes dans l’isolat. D’une manière générale c’est le contraire de ce qui y est favorable à leur maintien : éloignement de l’isolat du domaine naturel, sa petite taille, ses faibles ressources alimentaires, sa position climatique défavorable (aridité du climat par exemple). A cela s’ajoute d’autres contraintes, de nature biologique elles, et qui, dans le temps, peuvent conduire à la disparition d’espèces. Ainsi celles non renouvelées par l’immigration et dont l’effectif est faible vont perdre par consanguinité leur variabilité génétique et leur vigueur puis disparaître. La concurrence alimentaire entre espèces peut-être fatale à celles qui sont les plus faibles ; enfin la prédation peut aboutir aussi à leur disparition lorsque le prédateur est en surnombre.

Comment évolue le nombre d’espèces présentes sur l’isolat ? 

Disons d’abord que ce nombre est nécessairement inférieur à celui du domaine naturel global car la distance va être un obstacle infranchissable pour certaines d’entre elles. Pour celles qui peuvent rejoindre l’isolat, à mesure qu’elles y occupent leur place, il n’y a plus de capacités d’accueil, l’immigration en provenance du milieu naturel global diminue peu à peu au cours du temps.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        D’un autre côté, à mesure que l’isolat se sature, le nombre d’espèces qui disparait augmente. En définitive si l’on trace sur un même graphique la courbe de variation de l’immigration annuelle en fonction du nombre d’espèces présentes sur l’isolat (courbe décroissante) et celle de la mortalité annuelle elle aussi en fonction du nombre d’espèces présentes (courbe croissante), les deux courbes se coupent au point d’équilibre où la mortalité des espèces présentes est égale à leur remplacement par immigration. Ce point d’équilibre est spécifique à chaque isolat.                     


L'agriculture conventionnelle et l'agriculture biologique sont-elles différentes en ce qui concerne la dégradation des sols ?

 Jeudi 5 Juin 2025


Des Chercheurs Hollandais* ont comparé les effets sur les sols d’une culture conventionnelle et d’une culture biologique (organique) avec comme hypothèse de travail : l’agriculture biologique est moins néfaste à la multifonctionnalité des sols que l’agriculture conventionnelle. Mais que se passe-t-il dans les deux cas, si on accroît l’intensité des pratiques agricoles pour augmenter les rendements par exemple ?

L’étude a été réalisée à partir d’observations et de mesures réalisées sur 53 fermes Hollandaises soit en culture conventionnelle soit en culture biologique et sur deux types de sols argileux ou sableux. Les auteurs définissent une culture biologique lorsque les apports de fertilisants et le contrôle des parasites sont d’origine naturelle et non issus de produits  synthétiques.

La multifonctionnalité des sols est une notion complexe à appréhender, les deux déterminants les plus importants pour la définir sont :

   - la capacité de rétention de l’eau (lorsqu’elle diminue, le sol devient sensible à la sècheresse, il est moins efficace pour le cycle de la nutrition des plantes, il y a perte d’éléments nutritifs et donc pollution des eaux) ;

   - la perte de la teneur en matière organique des sols et de sa biodiversité (richesse microbienne, vers de terre, nématodes etc.).

Dans l’analyse, cette multifonctionnalité a été représentée par un index intégrant des indicateurs de fonction du sol tels que le cycle des nutriments, la décomposition, les réserves selon la structure du sol, le contrôle des parasites, et la régulation de l’eau.

L’intensité des pratiques agricoles intègre, dans un autre index, des informations obtenues auprès des fermiers sur les apports de matière organique, la fréquence des labours, la rotation des cultures.

Pour chaque ferme, soit en culture conventionnelle soit en culture biologique, les auteurs vont disposer d’un index mesurant la multifonctionnalité de leur sol et d’un index mesurant l’intensité des pratiques culturales. Une analyse statistique va permettre de comparer ces index selon les types de cultures et les types de sols et leur effet l’un sur l’autre dans tous les cas.

Les principaux résultats de l’étude sont les suivants :

        - L’index d’intensité des pratiques culturales est en moyenne toujours plus faible en culture biologique qu’en culture conventionnelle que ce soit pour les fermes en sol sableux ou en sol argileux. Ce qui signifie que les pratiques agricoles biologiques sont moins agressives.

        - L’index qui caractérise la multifonctionnalité des sols ne peut être prédit ni par le mode de culture (bio ou conventionnelle)  ni par le type de sol (sableux ou argileux).

        - Si maintenant on trace la droite de régression entre les scores d’intensité des pratiques culturales de chaque ferme et celui de la multifonctionnalité de leur sol, on s’aperçoit que cette droite a une pente négative, autrement dit la multifonctionnalité des sols diminue dès que les scores d’intensité augmentent quels que soient les sols et les modes de culture (biologique ou conventionnelle).

En résumé, ce qui affecte le plus la multifonctionnalité des sols en agriculture, ce n’est pas le type de culture (biologique  ou conventionnelle) qui est appliquée, c’est surtout la pratique culturale intense qui est défavorable.

 

* Sophie Q. Van Rijssel et al. Science, 25 avril 2025, N° 6745, pp406-411

Stockage du carbone terrestre.

Lundi 5 Mai 2025

 

Le carbone total émis par différentes sources terrestres (émissions d’origines humaines ou géologiques) se répartit dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de carbone CO2 qui  contribue majoritairement à l’effet de serre. Dans les mers il est constitutif de la biomasse vivante ou morte  mais il est aussi dissout dans l’eau sous forme d’acide carbonique H2CO3 qui est une forme importante de stockage du CO2 ; enfin à la surface de la terre il est stocké sous différentes formes : biomasse vivante ou morte et carbone organique sédimentaire. Connaissant la quantité totale de C émis, celle qui va dans l’atmosphère, celle qui va dans les océans, on obtient par soustraction la quantité de C retenue à la surface de la terre.

Des chercheurs* se sont intéressés à ce carbone terrestre et à l’importance de sa répartition sous ses différentes formes. Nous résumons ici les principales observations de leur étude.

Le stockage terrestre du carbone représente 30% des émissions de CO2 issues de l’activité humaine. Il est en augmentation. On attribuait jusqu’ici essentiellement cette augmentation à une activation de la photosynthèse du fait d’une atmosphère plus riche en CO2 (effet de fertilisation) et donc à un stockage majoritaire dans la biomasse végétale (notamment dans les forêts). Si l’augmentation de la photosynthèse est bien la source des stocks croissants de carbone terrestre, pour les auteurs de l’étude, il n’est pas évident que le gain additionnel du stockage terrestre se fasse essentiellement dans la masse végétale vivante ; quelle peut-être la part retenue par la masse végétale morte ? Pour cela, utilisant une synthèse de bases de données sur le sujet, ils ont pu comparer les changements globaux des stocks de carbone terrestres représentés par la biomasse vivante (forêts notamment) et morte.  

Leur synthèse s’étend de 1992 à 2019 ; au cours de cette période  le stockage terrestre s'est accru de 35 +ou- 14 gigatonnes de C alors que la biomasse vivante n’a seulement changé que de 1 +ou- 7 gigatonnes. Ceci est en désaccord avec les modèles habituels qui affectent majoritairement le stockage à la matière vivante. Le stockage serait en réalité majoritaire sous forme de matière biologique morte ; celle-ci inclurait le carbone organique du sol, les litières des sous-bois, le bois mort mais, pour les auteurs de l’étude, le mécanisme principal de l’accumulation du carbone est lié à l’enfouissement du carbone organique dans des environnements anaérobies comme dans le fond des lacs naturels ou artificiels, dans les tourbières ou les zones marécageuses. En outre, les activités humaines comme le bûcheronnage, la construction de barrages, pourraient jouer un rôle important dans les enfouissements observés. Ce stockage sous forme de matière biologique morte serait moins vulnérable aux incendies et à la sècheresse, évènements dont la fréquence s’accroit avec le réchauffement climatique.

 

*Y.M. Bar-On et al. Science, 21 mars 2025, N°6740, pp.1291-1295.         

L'organisation de la nature.

 Samedi 5 Avril 2025

 

Promenons-nous dans un bois humide de nos régions tempérées, et regardons le monde vivant qui nous entoure. Si nous prenons le temps de l’observer, la première chose qui peut nous frapper c’est la diversité des espèces présentes. Au sol dans les clairières, des plantes herbacées ; dans le sous-bois, plusieurs strates végétales qui profitent du peu de lumière filtrante : buissons, arbustes, lianes et enfin coiffant tout cela les arbres dont la canopée bénéficie du plein ensoleillement. Mais ce n’est pas tout vous pourrez voir encore des lichens sur les troncs ou suspendus aux branches, des champignons qui se sont développés sur des arbres morts etc. voilà pour les espèces ne pouvant se déplacer, essentiellement des végétaux ou des champignons  (il faudrait y ajouter les micro-organismes, les plus nombreux, mais nous ne les voyons pas). Passons maintenant aux espèces animales ; vous rencontrerez des papillons, des fourmis, des araignées et si vous avez de la chance vous pourrez voir des écureuils, des chevreuils, des renards etc. Comment cette diversité extraordinaire s’est-elle mise en place ? La première réponse à cette question a été donnée par Charles Darwin : la sélection naturelle, sur des temps infiniment grands, a complexifié le monde vivant en ne retenant que  les individus les mieux adaptés aux conditions locales. Pour Darwin cette adaptation se transmettait aux descendances et était donc héréditaire. Mais  ignorant tout de l’hérédité des caractères (découverte un peu plus tard par Gregor Mendel) et de l’origine de la variabilité, sa théorie restait incomplète.  Elle a été affermie par H. de Vries qui a découvert la mutagenèse susceptible d’alimenter la variabilité et un peu plus tard,  lors de la synthèse moderne, notamment par les travaux de R. A. Fisher qui ont montré que l’hérédité, pressentie par Darwin, ne pouvait être que particulaire et donc mendélienne.

Cette diversité des espèces que nous observons dans la forêt n’est pas anarchique. Si nous étions des botanistes nous saurions regrouper certaines espèces végétales en genres, familles etc. qui témoignent de leur proximité génétique et en définitive évolutive. Leur conformation est une autre manière de les regrouper : les ailes des oiseaux leur permettent de se déplacer dans l’air, les végétaux ont des racines qui les fixent au sol et leur permettent d’y puiser l’eau et les micronutriments. D’autre part si l’on comparait une forêt tempérée humide à une forêt méditerranéenne ou tropicale on ne retrouverait plus les mêmes espèces, et sur un sol calcaire  elles seraient différentes de celles d’un sol acide ; le climat et le sol sont donc susceptibles de regrouper les espèces selon leurs aptitudes. Mais ce qui est le plus important dans la forêt tempérée humide que nous visitons c’est que toutes les espèces que nous rencontrons dans notre promenade forment une association naturelle, un écosystème. Dans un écosystème il y a des interactions trophiques, les espèces sont intégrées dans une chaîne alimentaire. Les végétaux, seuls capables de transformer l’énergie solaire en énergie chimique : les sucres, et de créer les structures végétales, avec les micronutriments puisés dans l'eau du sol par leur racines, sont à la base de l’alimentation des herbivores : insectes, ruminants. Ces derniers sont mangés à leur tour par les carnivores  enfin des carnivores peuvent être mangés par d’autres carnivores. L’animal qui n’a plus d’ennemis est au sommet de la chaine. Notons que si l’on s’intéresse aux nombre d’individus à chaque niveau, les plus nombreux (les plantes) sont à la base et, en s’élevant, les niveaux s’appauvrissent jusqu’au sommet  comme si les ressources alimentaires diminuaient à mesure que l’on s’élève dans cette pyramide.

L’écosystème est décrit maintenant comme un flux d’énergie issu de l’énergie solaire captée par la photosynthèse des plantes et transformé en énergie chimique (les sucres) qui vont permettre la transformation des nutriments en structures complexes : les êtres vivants. Ainsi notre forêt, qui paraît si désordonnée, est en fait un ensemble structuré indispensable au maintien de la vie.   

Electrolyse de l'eau.

 

Mercredi 5 Mars 2025

On fonde beaucoup d’espoir sur l’hydrogène (H2) en tant que nouveau carburant, mais comment l’obtenir d’une manière verte c’est-à-dire en évitant une émission du gaz à effet de serre le CO2 ? En effet l’hydrogène qui sert à la fabrication des engrais azotés s’obtient maintenant par vapocraquage du méthane c’est-à-dire par chauffage de ce gaz en présence de vapeur d’eau selon la formule chimique :

CH4+2H2O -> CO2+ 4H2

Cette réaction bien que détruisant un gaz à effet de serre : le méthane, en  libère un autre le dioxyde de carbone CO2. Elle donne ce que l’on appelle de l’hydrogène gris, très bon marché, mais dont la production émet d’énormes quantités de CO2. Pour obtenir de l’hydrogène vert il faut revenir à la très ancienne technique d’électrolyse de l’eau par un courant électrique issu d’énergie renouvelable ou nucléaire.

L’électrolyse consiste à couvrir d’eau les électrodes d’une cuve électrolytique réunies à une source d’électricité. Lorsque les électrodes sont alimentées, il se dégage à la cathode de l’hydrogène H2 et à l’anode de l’oxygène O2, gaz issus de la rupture de la molécule d’eau selon la formule simplifiée :

2 H2O -> 2H2 +O2

(Notons au passage que cette réaction est réversible et que si l’on fait passer un courant d’hydrogène à la cathode et un courant d’oxygène à l’anode, il se créera un courant électrique dans le circuit qui réunit les deux électrodes et de l’eau par l’association des deux gaz : c’est une pile à combustible).

Pour obtenir de l’hydrogène vert il ne faut pas que le courant électrique d’alimentation soit issu d’une énergie fossile. Il se pose enfin le problème de la rareté et de la cherté du métal des électrodes : le platine, qui peut devenir un obstacle à l’expansion de l’électrolyse.

Selon la revue Science* de nouveaux types d’électrolyseurs sont en cours de mise au point pour palier la rareté du platine constituant des électrodes.

Le plus avancé est l’AWE (Alkaline Water Electrolyser ou électrolyseur d’eau alcaline). Il fonctionne un peu comme une batterie ; deux électrodes en nickel ou acier inoxydable séparées par une membrane poreuse sont immergées dans de l’eau contenant un électrolyte (soude par exemple) qui favorise le mouvement des ions. La cathode chargée négativement par le courant d’alimentation, partage la molécule d’eau en protons H+ qui se recombinent pour donner de l’hydrogène et en ions hydroxyde OH- qui traversent la membrane et vont vers l’anode chargée positivement où ils se recombinent pour donner de l’oxygène et un peu d’eau. La membrane ralentit et évite le mélange explosif oxygène-hydrogène. Cette technique est au point, elle utilise des électrodes peu coûteuses, mais elle fonctionne mal en courant alternatif.

Dans l’électrolyseur PME (Proton Exchange Membrane ou membrane échangeuse de protons), l’action est inversée ; elle commence à l’anode qui tire les électrons des molécules d’eau et partage celles-ci en protons H+ et molécules d’oxygène O2. Les protons traversent la membrane pour rejoindre la cathode qui leur fournit les électrons qu’ils avaient perdus reconstituant ainsi la molécule d’hydrogène H2. Dans ce dispositif la membrane est un polymère solide formé de molécules qui transfèrent les protons de l’une à l’autre. Le système PME est plus efficace que l’AWE, il fonctionne mieux avec des courants alternatifs et puissants et donc la taille des électrolyseurs est plus petite. Cependant il utilise, pour ses électrodes, un catalyseur rare et coûteux l’Iridium car les protons forment des points hautement acides qui dégradent les catalyseurs conventionnels, enfin la membrane est constituée de substances polyfluoroalkylées ou encore PFAS (considérées comme des polluants éternels) et interdites dans certains pays.

Le dernier dispositif, le plus récent, AEM (Anion Exchange Membrane ou membrane échangeuse d’anions), combine les avantages des deux systèmes précédents ; les ions hydroxydes OH- qui se forment à la cathode traversent une membrane solide et se recombinent à l’anode pour former l’oxygène, les protons reçoivent des électrons à la cathode pour former de l’hydrogène. Ce modèle ne demande ni électrodes constituées d’un  catalyseur rare (Iridium, platine) ni d’une membrane solide en PFAS. Ses défauts sont une membrane qui se dégrade rapidement et la non acceptation de courants alternatifs.

En définitive la technique de production d’hydrogène par électrolyse a beaucoup progressé mais elle ne peut encore se substituer au vapocraquage du méthane. Il faudrait pour cela que le prix du kilowatt électrique soit 10 fois moins cher et augmenter considérablement la production d’électricité renouvelable. On est loin encore de la substitution des carburants fossiles par un carburant vert : l’hydrogène.

* R.F. Service, Science, 24 janvier 2025, N°6732, pp.354-357

D'où vient notre nourriture ?

 Mercredi 5 Février 2025


Vous êtes-vous interrogés sur l’origine des produits que nous mangeons ? Peut-être un peu, mais il n’est pas facile de répondre à cette question car, pour les produits transformés, on ignore tout de ce qu’a utilisé le transformateur et pour les produits non transformés : fruits, légumes, viande, si en faisant son marché la cuisinière peut voir, à l’affichage, d’où viennent les fruits ou les légumes, elle n’aura que peu d’informations sur l’origine de la viande. En fait on ne s’intéresse pas à ces questions ; on ne s’y intéresse qu’en cas de pénurie, ou quand leur coût devient excessif.

Une étude* récente mérite ici d’être résumée, car elle nous éclaire sur l’importance du commerce mondial des produits alimentaires, de l’intérêt de ce commerce et des risques qui y sont liés.

Il y a 10 ans déjà, 80 % de pays étaient importateurs de nourriture ; cela pouvait être des compléments à leur production ou l’achat d’aliments qu’ils ne produisaient pas du fait de leur position géographique. Les pays arides comme ceux d’Afrique du Nord et du Moyen Orient sont les plus dépendants de l’importation pour les produits de première nécessité (céréales notamment), l’Arabie Saoudite et les petits états de la péninsule arabique importent 90% de leur nourriture. En 2050 plus de la moitié de la population mondiale dépendra d’une nourriture produite ailleurs.

La croissance des échanges de produits agricoles a eu des aspects positifs. Elle a permis aux pays producteurs de faire d’énormes bénéfices ; de créer de nouveaux emplois et de développer les exportations. Les pays qui souffrent de conditions climatiques extrêmes ont pu s’assurer une alimentation régulière. Enfin elle a complémenté et agrémenté notre alimentation par l’importation de produits de climats différents ou de l’autre hémisphère.

Environ un quart de la nourriture produite au niveau mondial est commercialisée sur des  marchés internationaux et 9 nations (dont la France 8ème) fournissent l’essentiel de ces produits notamment le blé, le maïs, le riz, et le soja. Cette croissance, qui devrait se poursuivre, tient à la création en 1993 de l’Organisation Mondiale du Commerce (WTO) entraînant un abaissement des barrières commerciales (suppression des droits de douane, baisse des tarifs)  et de l’entrée en 2001 de la Chine dans cette organisation car elle est le plus gros importateur mondial de produits alimentaires notamment du Brésil, de l’Argentine, du Canada et des USA. Les 9 grands pays producteurs ont à la fois des conditions climatiques, de milieu, et une efficacité de production qui leur permet d’avoir des surplus. Ceci est une bonne chose mais elle a aussi son revers : dès que se présente un problème de production toute la planète sera affectée. Ils ont tendance aussi à augmenter leur production pour suivre la demande et donc accroître les surfaces emblavées au détriment de leur milieu naturel.

Ces échanges alimentaires entraînent, du fait de transports lointains, des émissions de gaz à effets de serre importants. Il est bien entendu que la production agricole la plus souhaitable doit se faire près du lieu de consommation.

Les auteurs de l’article émettent une idée intéressante : chaque pays devrait établir son Index de Vulnérabilité basé sur sa production et sa demandeCet Index devrait permettre d’orienter leur productions agricoles de façon à mieux faire face à l’évolution de leurs besoins et aux chocs des marchés.

 

*Joel K. Bourne, Jr. Science, 29 novembre 2024, N° 6725, pp. 958-967

                                

Territoire.

 Dimanche 5 Janvier 2025


L’écologie étant l’étude des relations entre les êtres vivants et leur environnement physique ou biologique, le comportement social est aussi une branche de l’écologie incluse dans l’écologie évolutive ; elle s’intéresse aux interactions entre individus à l’intérieur des populations de la même espèce ou entre espèces. Ces interactions peuvent être de coopération ou de conflit, ainsi la délimitation d’un territoire et sa défense par un individu ou un groupe d’individus contre des individus de la même espèce ou d’espèces différentes, est une source d’interactions conflictuelles qui est étudiée en écologie évolutive.

On trouve une défense de territoire chez de nombreux animaux : les insectes sociaux ou non, les amphibiens, les lézards, les oiseaux et les mammifères ; chez ces derniers c’est quelquefois en groupe que le territoire se défend et non individuellement (cas des loups par exemple).

Le marquage du territoire peut être olfactif ; l’animal dépose en différents points autour de son territoire des substances à très forte odeur : urine, fèces, extraits glandulaires qui seront reconnus par les intrus potentiels. Il peut être visuel, l’animal laisse des traces de grattage sur les arbres, des touffes de poils qui rappelleront son odeur. Enfin il peut être sonore : vocalises chez les oiseaux, cris brefs et répétés chez les batraciens, hurlements chez les loups. Ce marquage annonce la prise du territoire et constitue un avertissement à l’intrus.

Pourquoi un animal défend-il un territoire ? Il défend un territoire parce que les ressources qu’il contient vont lui permettre de se nourrir et de survivre.  Ainsi la dimension du territoire défendu va varier en fonction de sa richesse en nourriture et selon les besoins du défenseur. Un oiseau mouche défend un arbuste en fleur ; une horde de loups va défendre un grand espace. Le temps de défense varie aussi en fonction de la durée des besoins en nourriture, les oiseaux migrateurs peuvent protéger un territoire pendant quelques heures seulement, lors d’une étape de leur voyage migratoire.

La défense d’un territoire a un coût énergétique ; si ce coût dépasse la quantité d’énergie que le défenseur peut en tirer, sa défense ne se justifie pas, il y aurait donc une optimisation à atteindre ? Il est cependant bien difficile de connaître ce qui a motivé une espèce lors du tracé de son territoire. S’agit-il de sa richesse en ressources alimentaires, de la présence d’un environnement facile à défendre, ou des capacités énergétiques du défenseur lui-même? La défense doit tenir compte aussi de la présence plus ou moins fréquente d’espèces contestataires.  

La neige marine.

Jeudi 5 Décembre 2024


Vous avez sans doute vu à la télévision, des images sous-marines abyssales qui présentent sur fond noir des flocons blancs qui tombent comme la neige en hiver ; d’où viennent ces flocons, que contiennent-ils ?

Cette « neige marine » se fabrique à la surface des mers par agrégation du plancton qui englobe tous les organismes vivant en suspension dans l’eau : phytoplancton photosynthétique, zooplancton de nature animale se nourrissant de déchets ; on y trouve aussi des bactéries et des virus. C’est tous les constituants vivants ou morts de l’écosystème qui se développe dans les eaux de surface éclairées des océans, qui participent à la constitution de ces flocons. La neige marine  va s’enfoncer dans l’eau et ira se déposer au fond des océans. Elle pourra servir de nourriture aux espèces abyssales mais surtout se déposera définitivement sur le fond marin extrayant ainsi définitivement une partie du carbone superficiel. Cette neige marine joue donc un rôle important dans la régulation du climat, le processus qui s’y réalise est appelé « pompe biologique », il permettrait le stockage de 30% du carbone émis par l’activité humaine. (Notons aussi que les dépôts formés par la sédimentation au cours des temps géologiques d’algues à capsule calcaire ont donné après soulèvement les reliefs karstiques si présents dans notre pays).

La formation d’un flocon de neige marine est un processus complexe incomplètement connu. Une cellule de phytoplancton seule mettrait, du fait de sa faible taille et densité, un temps très long pour atteindre le fond de l’océan ; c’est l’agrégation de plusieurs cellules compactées par le ciment produit par la désintégration bactérienne du zooplancton qui crée ces flocons dont la vitesse d’enfoncement dans la colonne océanique sera fortement accélérée.

Récemment des chercheurs* ont prélevé des colonnes d’eau de mer  à 80m de profondeur et pu observer au niveau microscopique les flocons de neige marine  quelles contenaient et simuler expérimentalement leur descente gravitationnelle.  L’observation microscopique a montré que le flocon est constitué d’un matériel opaque hétérogène biologique comprenant des cellules entières de phytoplancton, des fractions de cellules rigides (frustules de diatomées ou de radiolaires) ou moles, le tout enveloppé dans un mucus. Le mucus de nature polysaccharidique, transparent et donc invisible, forme autour de l’agrégat opaque un halo analogue à une comète avec sa queue.

La présence de ce mucus va ralentir la vitesse de descente du flocon dans la colonne d’eau océanique, il ralentit donc la déposition du carbone au fond de l’océan.

*Rahul Chaiwa et al. Science, 11 octobre 2024, N°6718,pp 166-175