Pouvait-on prévoir le raz de marée qui a dévasté la centrale de Fukushima ?


Jeudi 19 mai 2011

Ce billet veut rappeler que nous négligeons ou ne savons pas profiter entièrement des expériences passées même si elles s’appuient sur des données scientifiques. Il est basé sur une publication parue dans la revue Science*.

En 2001, un géologue japonais Koji Minura publiait un article dans lequel il avait essayé d’établir l’intensité d’un tremblement de terre qui s’était produit, d’après des documents historiques, en l’an 868 de l’ère chrétienne (tremblement de terre de Jogan). Ce tremblement de terre avait détruit une ville fortifiée du nord du Japon et avait été suivi d’un important raz de marée (tsunami) qui avait inondé la plaine côtière de Sendaï située à une cinquantaine de km au nord de Fukushima.

Koji Minura avait fait des recherches d’indices dans la plaine de Sendaï ; elles avaient permis d’établir que les eaux du raz de marée avaient pénétré à 4km à l’intérieur des terres. Dans sa publication le géologue évaluait à 8,3 l’intensité du tremblement de terre et concluait qu’il pouvait se renouveler sur une périodicité millénaire : «la possibilité d’un fort raz de marée frappant une nouvelle fois la plaine de Sendaï, est très élevée» concluait l’auteur.

Cet article ne pouvait interpeler les constructeurs de la centrale qui date de 1971, mais il était connu du groupe d’experts qui a réexaminé en 2008 la résistance de celle-ci aux séismes. La protection vis-à-vis d’un raz de marée dont la vague atteindrait 5 à 7 mètres a été jugée suffisante. Malheureusement la vague survenue le 11 mars 2011 avait 14 mètres de haut !

Pourquoi cette publication a-t-elle été négligée ? L’article avait été publié dans une revue à faible impact, les experts n’ont ainsi peut-être pas mesuré son importance. Les travaux de rehaussement des protections de la centrale n’étaient-ils pas trop coûteux alors que la probabilité d’un nouveau séisme de très forte intensité était incertaine ? Quoi qu’il en soit, les experts ont négligé entièrement une expérience passée bien établie par un document scientifique.

André Malraux disait : « il faut mettre en conscience le plus d’expérience possible » ; le faisons-nous réellement !

*Science 1er Avril 2011, p22-23, D. Normile



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