Et si nous modifions une chaîne alimentaire


Jeudi 4 août 2011


Dans un lac d’eau douce, la chaîne alimentaire peut se décrire schématiquement de la façon suivante : 

Au sommet de celle-ci, il y a les poissons « piscivores » ou carnassiers (brochets et perches), qui se nourrissent de petits poissons (gardons par exemple) mais aussi de leurs propre descendance encore juvénile (cannibalisme).
En dessous on trouve les petits poissons qui se nourrissent de zooplancton (telles les daphnies).
Enfin ce zooplancton se nourrit de phytoplancton constitué par les algues unicellulaires photosynthétiques (type Chlamydomonas).


Notons que seules les algues sont autotrophes, capables par photosynthèse de fabriquer leurs sucres et donc leur énergie nécessaire à leur métabolisme; toutes les autres espèces, en remontant la chaîne alimentaire, sont hétérotrophes (incapables de synthétiser les sucres) donc dépendantes des algues pour vivre.

Un groupe de chercheurs* s’est appliqué à rechercher des signes d’alerte témoignant d’une modification induite par l’addition de nouveaux prédateurs en supplément de ceux existant déjà en tête de la chaîne alimentaire. Pour cela, pendant deux années, ils ont ajouté graduellement, dans un lac à dominance de poissons planctivores (petits poissons), des perches prédatrices se nourrissants de ces petits poissons pour déstabiliser la chaîne alimentaire et induire une « cascade trophique ». Des mesures régulières et fréquentes ont été faites pour détecter si la densité de chaque espèce intervenant dans la chaîne alimentaire présentait des changements non linéaires au cours de la manipulation.

Un lac voisin de structure analogue au lac manipulé, à servi de témoin.

Il ne s’agit pas ici de donner tous les résultats de cette étude qui est assez complexe notamment en ce qui concerne la mise en évidence des modifications paramétriques signes d’alerte d’un changement en tête de la chaîne alimentaire. Nous nous contenterons de rapporter ce qui s’est passé au cours de cette manipulation.

L’apport de perches supplémentaires a déclenché en premier lieu un recrutement de jeunes perches qui sont devenues piscivore comme le sont les perches adultes. Cependant ces perches, passées hâtivement du stade juvénile au stade adulte, ont disparu du lac dès la fin de la première année.

Les petits poissons qui étaient au départ présents dans tout le lac, sont devenus grégaires et se sont rassemblés dans des refuges au bord du lac pour éviter la prédation. Leur fréquence a diminué après chaque apport de perches prédatrices. Le zooplancton n’a pas vu sa densité s’accroître, mais la taille des espèces qui le constituent (daphnies notamment) s’est accrue (ce qui témoigne sans doute d’un plus long vieillissement). Enfin le phytoplancton, dont la densité était mesurée par le teneur en chlorophylle A des eaux du lac, a présenté de fortes oscillations après l’apport des poissons prédateurs, puis s’est stabilisée.

Un an après le dernier apport des prédateurs, le lac traité à retrouvé le même nombre de planctivores (petits poissons), la même masse de zooplancton, et de phytoplancton que le lac témoin.

Une chaîne alimentaire est donc très stable dans la mesure où la modification de l’un de ses chaînons n’est pas permanente. L’homme, ignorant au début ces équilibres, les a souvent détruits en supprimant totalement les espèces qui pouvaient lui nuire (notamment celles en haut de la chaîne). La restauration d’une chaîne altérée pose le problème de l’acceptation par l’homme du retour à l’état sauvage absolu dans le milieu où la chaîne alimentaire s’était établie.

*S R Carpenter et al. Science 27 Mai 2011, N°6033,pp.1079-1082



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