Mercredi
5 Juin 2019
Les
vols spatiaux soumettent les spationautes à des contraintes qui n’existent pas
sur terre : bruits, isolation, hypoxie, absence de rythmes circadiens mais,
surtout, l’exposition aux radiations ionisantes et à la microgravité qui
peuvent affecter sérieusement leur santé.
Pour des vols de courte durée ces effets se corrigent rapidement dès le retour
sur terre de l’astronaute ; qu’en est-il pour des voyages de longue durée
tel un voyage vers la planète Mars ? Des données précises manquaient
jusqu’ici, une étude importante vient d’être publiée*, elle a été réalisée en
comparant les caractéristiques biologiques de vrais jumeaux, l’un ayant fait un séjour de longue durée
(340 jours) dans la Station Spatiale Internationale l’autre restant à terre.
Les
résultats de l’étude révèlent plusieurs changements moléculaires physiologiques
et comportementaux induits par le séjour spatial de l’astronaute. Les effets
les moins graves concernent les changements du micro biome intestinal et de la
diminution de la masse corporelle ; viennent ensuite les altérations du
collagène et la régulation des fluides intravasculaires; enfin, les plus graves,
car susceptibles d’induire des cancers, concernent une instabilité génomique
mesurée par des aberrations chromosomiques fréquentes.
Les
anomalies structurales observées sur les chromosomes du jumeau spationaute sont
caractéristiques des effets des radiations ionisantes. Le cosmonaute est soumis
dès qu’il n’est plus protégé par le champ magnétique et l’atmosphère terrestre aux
rayonnements cosmiques qui sont très pénétrants et très énergétiques. On
observe chez le jumeau spationaute plusieurs modifications chromosomiques
caractéristiques des ruptures du chromosome : inversions (un fragment de
chromosome s’est recollé de manière inversée), translocations (un fragment de
chromosome s’est inséré à un emplacement qui n’est pas le sien), délétions (un
chromosome a perdu un de ses fragments). De telles anomalies sont généralement
létales pour la cellule qui les porte ou susceptibles d’être à l’origine de
cancers. L’observation de l’ADN lui-même montre que les télomères, séquences
répétitives de l’ADN à l’extrémité des chromosomes jouant un rôle dans le
vieillissement, peuvent être allongés ou raccourcis au cours du séjour spatial
de longue durée. Cette anomalie se corrige pour les télomères allongés elle ne
se répare pas pour les télomères raccourcis.
D’autres
anomalies induites par la microgravité ont aussi des effets graves. Celle-ci
entraîne un déplacement des fluides vers la tête et entraîne d’importantes
modifications de la physiologie vasculaire avec distension des veines et
artères du haut du corps : modifications précoces associés aux maladies
cardiovasculaires et cérébrovasculaires. Au niveau des yeux on observe des
anomalies vasculaires de la rétine, un épaississement de la choroïde qui peut
présenter aussi des plissements. Ces modifications peuvent affecter la vision.
Bien que les capacités cognitives ne soient pas modifiées au cours du vol,
elles se révèlent diminuées après celui-ci.
Les
altérations liées à la microgravité sur le système neuro-oculaire s’ajoutent
celles connues des rayonnements ionisants sur la formation de la
cataracte et les maladies cardiovasculaires. Ces maladies apparaissent quand
des individus ont été exposés à des doses supérieures à 500 mSv (le milli Sievert
mesure la quantité d’énergie reçue par unité de masse du corps corrigée par des
facteurs tenant compte de la sensibilité de l’organe touché). Des doses
nettement supérieures pourraient être reçues par des astronautes allant vers la
planète Mars et bien que les dégâts causés par les rayonnements ionisants sur
l’ADN soient graves les effets sur la vue pourraient être un obstacle bien plus
grave encore pour ce voyage interplanétaire.
Alors
que d’un point de vue technologique un voyage vers Mars ne pose pas de
problèmes insurmontables, d’un point de vue biologique les risques sont
certains. Ceci montre bien que nous avons été construits dans un milieu particulier :
le milieu terrestre et notre adaptation à ce milieu est très stricte.
*
M. Lobrich et P.A. Jeggo. Science, 12
Avril 2019, N°6436, pp.127-128
Les questions environnementales vous intéressent-elles ? Vous pouvez enrichir vos connaissances et acquérir une vision globale de ces problèmes en lisant mon dernier livre : « Environnement, l’Hypothèque Démographique ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire