Mardi
2 Juillet 2019
Avec
les modifications apportées au milieu terrestre par l’être humain, beaucoup
d’espèces disparaissent ou sont en voie d’extinction ; y a-t-il des cas où
l’espèce réussit à s’adapter au nouveau milieu ?
L’adaptation
est un processus très lent qui correspond à une modification du milieu elle-même très lente. Les
changements produits par l’homme sont au contraire très rapides si on les
compare aux temps géologiques au cours desquels s’est faite l’évolution. A
priori donc, les espèces dont le milieu de vie est brutalement modifié par
l’homme, soit qu’il devienne toxique soit que ses caractéristiques physico-chimiques
changent, doit aboutir à leur élimination. Or on a observé que certaines
espèces échappent à cette règle et s’adaptent au nouveau milieu, comment
s’explique cette situation heureuse ? Un groupe de chercheurs* a étudié
une espèce de poissons « killi » (Fundulus
grandis) qui a pu survivre dans certaines zones fortement polluées du golfe
du Mexique (pollution qui provoque chez l’espèce autochtone des déformations
cardiaques létales) afin de rechercher l’origine de cette réadaptation.
La
survie dans un milieu défavorable n’est possible pour une espèce que :
-
si elle possède dans sa diversité génétique des individus ayant un ou des gènes
de résistance à la toxicité du milieu,
-
si une mutation nouvelle, apparu chez un individu de la population menacée,
apporte cette résistance,
-
enfin si cette résistance provient d’une autre espèce.
Le
premier cas est généralement le plus fréquent, on y a d’ailleurs recours, en
amélioration des espèces domestiques, pour lutter contre un parasite par
exemple ; le sélectionneur recherche dans la diversité génétique de
l’espèce s’il n’existe pas des individus résistants au parasite à partir
desquels il créera les nouvelles variétés résistantes.
Les
mutations nouvelles étant rares et, qui plus est, non nécessairement orientées
vers un problème particulier de résistance à la toxicité d’un milieu, elles ne
peuvent résoudre rapidement le problème d’adaptation à ce nouveau milieu.
Trouver
chez une autre espèce les gènes de résistance à une toxicité est une
alternative intéressante mais elle pose un nouveau problème : les hybrides
interspécifiques sont en général stériles et n’assurent pas la descendance, des
fertilités partielles existent cependant si les deux espèces sont génétiquement
très proches.
Les
auteurs de l’étude sur la résistance du poisson « killi » à la
toxicité des eaux polluées, ont fait des analyses génomiques sur ces
poissons; ils ont pu constater que le génome de ceux devenus résistants possédait
une variabilité moindre que les poissons sensibles en voie de déclin. Par
ailleurs la partie de leur génome expliquant la résistance provenait d’une
autre espèce de poisson « killi » (Fundulus heteroclitus) inféodée aux côtes Atlantiques. Il y a donc
eu, à un moment donné, hybridation entre ces deux espèces, mais comme elles ne
partagent pas le même milieu comment ont-elles pu se retrouver ensemble ?
Les auteurs de l’étude pensent que ce sont les pêcheurs eux-mêmes qui, vidant
les ballasts de leurs bateaux auraient, introduit les poissons
« killi » d’Atlantique dans le golfe du Mexique.
Ce
sauvetage exceptionnel d’une espèce menacée par la pollution ne doit pas nous
faire oublier que les dégradations d’un milieu, occasionnées par l’homme,
aboutissent le plus souvent à la disparition des espèces qui y vivent ; ce
serait faire preuve d’un optimisme béat que de croire qu’elles ont toujours des
ressources pour survivre.
*
K.S. Pfennig, Science, 2 Mai 2019, N°6439, pp.433-433
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