Jeudi
5 Décembre 2019
L’activité
humaine fragmente les habitats. L’extension des villes, l’agriculture, les
voies de communication (routes, autoroutes, voies ferrées) découpent et
parcellisent l’espace naturel. La parcellisation de celui-ci entraîne la
disparition de populations par réduction des échanges génétiques (et donc accroissement
de la consanguinité) et l’appauvrissement de la diversité spécifique, il ne
subsiste dans l’îlot isolé que les
espèces qui y étaient présentes avant l’isolement. Ainsi 70% de la surface des
forêts serait constituée de parcelles dont la surface est inférieure à 1km2.
La
théorie des métapopulations (populations d’une même espèce répartie sur
plusieurs territoires plus ou moins contigus) montre que la connectivité de ces
territoires favorise la persistance des populations et la recolonisation des
zones où une extinction s’est produite ; mais aucune expérimentation n’a
été faite pour confirmer ces déductions et notamment il n’a pas été étudié, sur
le long terme, ce que produit l’absence ou la présence de connectivité entre
deux territoires concernant le devenir des populations qui y vivaient.
Des
chercheurs viennent de publier* les résultats d’une étude sur le long terme (18
ans) dans laquelle ils ont essayé de mesurer l’effet de la connectivité des
territoires sur le devenir des populations qui y étaient déjà établies ou qui
s’y sont installées. Nous présentons ici
l’essentiel de leurs observations.
Le
dispositif expérimental de base comprenait une parcelle carrée centrale de 1 hectare qui
était connectée ou non à quatre parcelles carrées de 1,375 hectare disposées chacune
à 150 mètres de l’un des quatre côtés de la parcelle centrale. Pour les parcelles
connectées le corridor de connexion avait 150 mètres de long et 25 mètres de
large. Ce dispositif était reproduit 10 fois dans une forêt dense de pins dans
laquelle les parcelles expérimentales et les corridors avaient été découpés par
abattage des arbres. Le sous-bois ainsi mis à nu était un reliquat de savane de
pin (zone herbacée à longues feuilles garnie de quelques arbres) que l’on
trouve dans les clairières de la forêt. Il s’agissait de voir le comportement
différentiel des parcelles connectées et non connectées lors de la
reconstitution de ces savanes. Quel allait être le taux relatif de pertes
d’espèces ou de gains d’espèces entre les blocs connectés ou non connectés au
cours des 18 années d’observation qui ont suivi ?
La
connectivité a accru en moyenne de 5% par an le niveau de colonisation et a
diminué de 2% par an le niveau d’extinction. Ces niveaux, quoique faibles, ne
varient pas dans le temps, ainsi la richesse en espèces des parcelles
connectées s’accroît régulièrement. Aux derniers comptages, sur les 239 espèces
recensées dans les parcelles connectées, 24 étaient nouvelles par rapport aux
parcelles non connectées soit 14% en plus.
Cette
étude montre l’intérêt des observations à long terme en écologie car les
processus vitaux sont lents, elle rappelle aussi l’importance de la
connectivité. Toute fragmentation de l’espace naturel nécessitée par les
besoins de l’urbanisme ou la création de voies de communication nouvelles,
devrait réserver obligatoirement une bande de liaison entre les parcelles naturelles fragmentées.
* Ellen I. Damschen et al. Science, 27 septembre 2019, N°6460, pp.1478-1480
* Ellen I. Damschen et al. Science, 27 septembre 2019, N°6460, pp.1478-1480
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