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Décembre 2019
Pourquoi
les populations caractérisées d’Occidentales (Europe d’Ouest, Amérique du Nord
et Australie) « éduquées, industrialisées, riches et démocratiques » sont-elles
peu courantes ? Dans une publication solidement construite, des auteurs*
posent les bases d’une théorie qui tend à montrer que l’individu occidental
doit son particularisme psychologique (individualisme, indépendance,
raisonnement analytique, ouverture aux autres) aux préceptes de l’église. Il
s’agit, pour préciser, de la branche Catholique et Romaine de la Chrétienté (Eglise
Occidentale ou tout simplement l’Eglise) qui s’est répandue en Europe après les
grandes invasions terminant son implantation aux environs de 1500. Ces
chercheurs ont testé la théorie selon laquelle l’église Catholique, par son
influence sur le mariage et les structures familiales tout le long du moyen
âge, a eu un important impact sur l’évolution des psychologies.
La
théorie intègre trois bases de connaissances.
1 Les recherches anthropologiques
suggèrent que les institutions basées sur la famille sont fondamentales car
elles organisent la vie sociale. Elles sont composées de normes qui influencent
les relations dans la société. Parmi ces normes on trouve celles issues de
l’aversion innée à la consanguinité qui déterminent les modèles de mariage
(restrictions sur les mariages entre apparentés), celles de résidence des
nouveaux époux, de voisinages, d’alliances.
2
Des études en psychologie et en neurosciences montrent que des
institutions basées fortement sur la famille induisent la culture d’une forte
conformité, de l’obédience aux aînés, de la préférence pour la famille, de la
loyauté au groupe et découragent l’individualisme, l’indépendance, la pensée
analytique.
3 Des recherches historiques ont été
faites sur l’influence des religions sur les institutions familiales. Au début
de l’ère commune d’universalisation des religions dans le vieux monde, chacune
a émis des prescriptions moralisatrices qui ont notamment modelé les
institutions basées sur la famille. La chrétienté qui a évolué en Eglise
Catholique et Romaine a émis, à partir de l’année 506, des règles s’opposant
aux mariages entre proches apparentés mais aussi entre cousins jusqu’au 6ème
degré pour lutter contre les pratiques incestueuses. Elle a promu aussi le
mariage « par choix » (non arrangés) et à souvent demandé que les
nouveaux époux puissent vivre séparés de leur famille. Ainsi à partir de 1500
une grande partie de l’Europe était soumise à ces règles et se caractérisait par
une seule configuration de familles monogames, issus de descendances
bilatérales, à mariages tardifs et a logements
séparés. Au contraire l’église orientale orthodoxe n’a jamais adopté la
prohibition des mariages entre cousins et fut lente à adopter des prescriptions
concernant la famille. Cette exposition différentielle va agir sur les
comportements psychologiques et explique les fondements de la théorie.
Pour
éprouver la validité de celle-ci les chercheurs ont créé une base de données
sur la diffusion au moyen âge des églises occidentales Catholiques, et
orientales Orthodoxes et ils ont calculé à l’aide de ces données la durée d’exposition à ces églises pour
chaque pays dans le monde.
Pour
mesurer l’intensité de l’influence de l’église sur les institutions familiales,
ils ont créé un « Index d’Intensité des Apparentements » qui capture
la préférence des mariages entre cousins, la polygamie, la co-résidence des
familles élargies, l’organisation en clans, l’endogamie des communautés. Cet
Index sera mis en corrélation avec la durée d’exposition aux églises et aux
comportements psychologique des populations.
Enfin
à partir de données déjà publiées, ils ont assemblé 24 résultats psychologiques
qui caractérisent les comportements
d’individualisme et d’indépendance, de conformité et d’obédience, de
coopération et d’ouverture vis-à-vis des autres et notamment des étrangers.
Les
résultats entre pays et régions d’Europe sont les suivants :
- Une longue exposition à l’église Occidentale
prédit un plus grand individualisme et une plus grande indépendance, moins de
conformité et d’obéissance, une plus grande sociabilité notamment vis-à-vis des
étrangers. La relation entre les comportements psychologiques et une longue
exposition à l’église Orientale est très faible et quelquefois opposées à la
direction prévue.
- Les pays (ou les régions) qui ont un Index
d’Intensité des Apparentement bas et un taux de mariages entre cousin peu élevé
sont ceux qui ont été le plus longtemps exposés au cours du moyen âge à
l’église Occidentale ;
- Un
Index bas prédit pour les populations de ces pays et de ces régions un individualisme et une indépendance plus grands,
moins de conformité et d’obédience, une plus grande sociabilité.
Enfants
d’immigrants
Il s’agit de la seconde génération d’immigrants nés en
Europe dont les parents proviennent de pays du monde entier. On a mesuré la liaison entre les quatre comportements
psychologiques présentés précédemment à
la durée d’exposition à l’église Occidentale et a l’intensité des règles
familiales des pays dont leurs parents sont originaires. Les individus dont les
mères sont originaires de pays aux règles familiales moins intensives
présentent un comportement psychologique plus individualiste et indépendant,
moins conformiste et obéissant, fiable et loyal.
Cette
théorie est séduisante et plausible ; certes en tant que théorie elle peut
être mise à mal par d’autres études et même disparaître. Elle sous-tend l’idée
que, finalement, l’émergence du monde occidental est due à des prescriptions
sur la famille émises par l’église Catholique au début de son existence !
Eglise si souvent critiquée ! Quelle revanche !
*
J.F. Schulz et al. Science, 8 novembre
2019, N°6466, p.707
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