Jeudi
5 Mars 2020
Les
économistes ne sont satisfaits que si le PIB (Produit Intérieur Brut) d’une
nation croît. Se demandent-ils si cette croissance peut continuer
indéfiniment ? A priori oui si on l’exprime en valeur monétaire mais il
faut voir que le PIB intègre deux choses : des biens et des services et
que les biens sont du matériel qui fait appel, pour sa fabrication, à de
l’énergie et à des ressources terrestres. Si l’on ne s’en tient qu’à ces dernières
donc, dans un monde fini, leur disponibilité aura nécessairement une limite et
certains écologistes prônent déjà une fin de la croissance économique.
Une
analyse* moins abrupte qui consiste à découpler valeur monétaire et production
de matériel permet d’y voir plus clair ; elle distingue un découplage
relatif d’un découplage absolu. Le premier fait référence à un déclin de
l’intensité de l’usage d’une ressource qui participe à la production du bien
matériel, le second fait référence à la nécessité d’un déclin absolu de
l’utilisation d’une ressource qui participe elle aussi à la production de ce
bien matériel.
Un
découplage relatif est celui qui fait les choses efficacement et qui tient
compte des progrès technologiques. Prenons le cas d’un matériel de base le
cuivre. Ce métal est utilisé dans de très nombreux objets notamment dans la
fabrication des tuyaux, des fils électriques ; étant donné que son usage
augmente parce ce que les besoins de transport de l’eau et de l’électricité
augmentent très vite on peut penser que les réserves minières de ce métal
risquent d’être vite épuisées. En réalité on a pallié l’épuisement rapide des
réserves de plusieurs façons. D’abord par l’amélioration des techniques de
transformation et notamment en diminuant les déchets, en recyclant les
matériaux en cuivre qui ont déjà servi et d’une manière plus sophistiquée
encore par le progrès technologique : l’utilisation des fils de cuivre en
téléphonie disparaît peu à peu remplacés par la fibre optique en verre qui
transporte de manière bien plus rapide les signaux numériques. Ainsi
l’épuisement des ressources en cuivre est presque reporté à l’infini. Notons cependant
que pour ce métal une perte insidieuse est due à son utilisation antifongique,
le sulfate de cuivre que l’on utilise en agriculture est irrécupérable car il
est dispersé en quantités non négligeables dans le sol.
La
nécessité d’un découplage absolu est apparue lorsqu’on a compris que
l’utilisation des énergies fossiles donnait, par suite de leur combustion, un
gaz à effet de serre le CO2 qui était majoritairement responsable du
réchauffement climatique. L’arrêt des émissions de ce gaz à plus ou moins long
terme est une nécessité absolue si l’on ne veut pas que la planète devienne
invivable. Il y a découplage absolu lorsque le niveau de la décroissance des
émissions est supérieur au niveau de la croissance économique. Le problème est
que le réchauffement climatique est un phénomène qui ne peut être circonscrit
au niveau local, c’est un problème global qui doit être appréhendé au niveau planétaire.
Un découplage absolu existe pour certaines économies par exemple en Europe les
émissions de CO2 ont cru deux fois moins vite que l’économie entre 1990 et 2017
mais, au niveau mondial, la quantité de CO2 émise aujourd’hui est plus du
double de celle émise en 1990 ! Pour que l’objectif de limitation
d’augmentation de la température globale de 1,5°C préconisé par le Panel
International sur le Changement Climatique puisse être atteint, il faudrait une
décroissance annuelle 14% des émissions de carbone issues de la production économique
planétaire.
La
valeur économique ne peut être séparée du flux de matériel physique et pour
produire celui-ci il faut de l’énergie. Même si cette énergie est renouvelable,
il faudra pour la capter créer et renouveler du matériel et donc dépenser encore
de l’énergie. En fait plus l’économie se développe plus il est difficile de
découpler cette croissance de l’impact matériel.
Pour
les auteurs de la publication il faudrait : « découpler le bien être
des biens matériels ». En somme le bien être n’est pas uniquement apporté
par le progrès matériel, vivre c’est aussi avoir une relation harmonieuse avec
le milieu qui nous entoure.
*T.
Jackson et P.A. Victor, Science, 22
Nov. 2019, N°6468, pp.950-960.
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