Mercredi
5 Août 2020
Du fait de leur capacité à piéger le CO2, les plantations d’arbres sont de plus en plus préconisées pour réduire les émissions de gaz à effets de serre. Une stratégie forestières pourrait permettre de piéger 7Pg (Péta multiplier par 1015) d’équivalents CO2 par an à partir de 2030 ; elle aurait aussi des effets favorables à la biodiversité, rendrait des services aux écosystèmes et contribuerait à la conservation des sols*.
Une stratégie forestière peut se décliner en quatre catégories : 1) éviter les déforestations, 2) replanter des forêts 3) améliorer la gestion des forêts naturelles 4) améliorer les méthodes de plantation. Pour que ces projets soient efficaces dans le piégeage des émissions de carbone, ils doivent être permanents à l’échelle du siècle au moins sans quoi leur rôle dans l’atténuation des effets de serre sera insignifiant. L’ennui c’est qu’avec les changements climatiques les forêts sont soumises à des risques aléatoires croissants ; la non évaluation de ces risques par les outils scientifiques disponibles et la non prise en compte des données déjà existantes peut compromettre des projets séduisants et entraîner des dépenses inutiles.
Quels sont les risques permanents qui se sont d’ailleurs aggravés avec le réchauffement climatique, et qui peuvent affecter, s’ils ne sont pas pris en compte sérieusement, toute tentative de développer le domaine forestier.
En premier lieu il y a les incendies. Entre 1997 et 2016, 500 millions d’hectares de terre ont été affectées annuellement par des incendies ; leur fréquence décroît dans les savanes et les prairies naturelles et s’accroît dans les forêts de l’ouest des Etats Unis, de l’Australie, des climats méditerranéens et dans les forêts boréales américaines et asiatiques. Les changements climatiques modifient la fréquence des incendies, les surfaces détruites et l’intensité des dégâts ; notamment les températures plus élevées influencent la mortalité des arbres et la destruction de la matière organique du sol. Les incendies remettent dans l’atmosphère le carbone qui était stocké par la forêt ce qui est à l’encontre de l’objectif poursuivi : faire de celle-ci un piège à carbone. Il existe maintenant des bases de données issues d’observations par satellites sur la localisation des feux, sur leur intensité et leur permanence au cours du temps, ces données seront judicieusement consultées avant tout projet d’une plantation d’arbres destinée à demeurer en place à long terme.
La sécheresse (cause aussi d’incendies de forêts) devrait affecter des territoires plus vastes avec le réchauffement climatique. Elle réduit la production forestière et est cause d’émissions de carbone par mort des arbres. Des périodes de sécheresse extrême expliqueraient, au cours des 30 dernières années, une fluctuation de la production forestière de 78%. Enfin la mortalité par sécheresse est diffuse mais sévit sur des territoires très vastes. La sécheresse est souvent sous-estimée lorsque on projette la mise en place d’importantes plantations forestières et certains projets africains n’ont pas suffisamment pris en compte ce risque. Des données sur la sécheresse qui peut sévir dans une région existent et l’on peut calculer à partir de relevés météorologiques des indices d’aridité. Ces données et ces indices devraient être déterminants dans le choix variétal d’une plantation forestière elles devraient aussi préjuger de son échec éventuel.
Le parasitisme constitue lui aussi une cause importante de mortalité des arbres des forêts ; il y a les insectes scolytes qui se nourrissent du phloème et peuvent introduire des champignons qui vont obstruer les faisceaux du bois, les insectes défoliants, les champignons parasites du feuillage. En plus de ces parasites locaux, il peut y avoir des invasions parasitaires imprévisibles provenant d’autres pays qui affectent brutalement une espèce forestière. Il est très difficile de prévoir les incidences du parasitisme sur la forêt. Leur gravité est liée fortement aux facteurs climatiques : sécheresse, froid, humidité excessive. Cependant avec le réchauffement climatique on peut s’attendre à ce que les espèces forestières rejetées à la limite de leur zone d’adaptation soient fragilisées face aux parasites.
La forêt peut encore être affectée par des accidents climatiques : tempêtes, neige, gel. Les effets peuvent en être graves mais ils sont généralement localisés. Le réchauffement climatique entraîne enfin un déplacement des espèces. Les espèces vulnérables au changement climatique vont être éliminées de leur zone d’adaptation ancienne et remplacées par des espèces de substitution mieux adaptées. Il s’en suit une mortalité accrue d’arbres et de nouveaux assemblages spécifiques.
Développer la forêt pour participer à l’effort de piégeage du CO2 est une opération souhaitable ; mais elle ne doit pas se décider à la légère car elle peut conduire à des échecs coûteux. Il existe un ensemble très complet de données qui doivent être prises en compte avant toute décision. Établir un projet de reforestation à grande échelle sans s’appuyer sur les données satellitaires, météorologiques et pédologiques qui ont été peu à peu rassemblées sur la zone concernée c’est courir l’échec.
*W.R.L.
Anderegg et al. Science 19 juin 2020,
N°6497 p. 1327
Il
n’y aura pas de billet en septembre ; bonnes vacances à mes lecteurs.
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