Mardi 5 janvier 2021
Pour réduire les émissions de gaz à effets de serre de manière à limiter l’accroissement du réchauffement climatique entre 1,5°C et 2°C à l’horizon de 2100 on a pensé qu’il fallait essentiellement intervenir sur l’arrêt de l’utilisation des combustibles fossiles mais l’on s’est peu préoccupé jusqu’ici des autres sources émettrices. Dans une publication récente* des chercheurs montrent que les objectifs ne pourront être atteints que si l’on réduit aussi, de manière drastique, les émissions issues des systèmes de production alimentaire.
Produire
des aliments nécessite de disposer de terres arables, il faut donc nettoyer des
landes et abattre des forêts, ce qui émet du dioxyde de carbone CO2 et de
l’oxyde nitreux N2O. La production d’engrais et de produits agrochimiques émet
du CO2, du N2O et du méthane CH4, la fermentation anaérobie de la panse des
ruminants produit du CH4, les rizières émettent CH4, le fumier émet du N2O et
du CH4, enfin on utilise en agriculture des machines qui brûlent des
combustibles fossiles et émettent ainsi du CO2. Au total selon ces auteurs la
production mondiale alimentaire émettrait en moyennes 16 milliards de tonnes
d’équivalent CO2 par an.
Réduire
les émissions des gaz à effet de serre en intervenant sur les systèmes de
production alimentaire sera essentiel si l’on veut atteindre l’objectif de
limiter le réchauffement climatique de 1,5 à 2°C à l’horizon 2100. En effet les
auteurs estiment que sans modifications de ces systèmes, ils émettraient de
2020 à 2100 1356 gigatonnes d’équivalents CO2 ; à ce niveau, même si l’on
stoppait dès 2020 les émissions provoquées par la combustion des énergies
fossiles, celles induites par la seule production alimentaire entraîneraient un
réchauffement climatique de 1,5°C entre 2051 et 2063.
Comment
réduire l’impact des systèmes alimentaires sur les émissions de gaz à effet de
serre ? Les auteurs examinent 5 possibilités : 1) en adoptant pour
tous, à partir de 2020, une alimentation essentiellement végétale (diète de
type méditerranéen) on atteindrait en 2100 une émission cumulée d’équivalents CO2 de
708 gigatonnes ; 2) en limitant à 2100 kilocalories par personne
l’alimentation journalière on atteindrait 946 gigatonnes 3) en augmentant de
50% les rendements de la production agricole on atteindrait 1162 gigatonnes 4)
en diminuant de 50% les pertes de la production alimentaire ainsi que les
déchets on atteindrait 992 gigatonnes 5) en accroissant l’efficacité de la
production (agriculture de précision, rations animales optimisées) on
atteindrait 817 gigatonnes. Si les cinq stratégies étaient partiellement
utilisées (50%) à partir de 2050, seule la cible d’une augmentation de 2°C
pourrait être atteinte en 2100 ; si elles étaient totalement utilisées à
partir de 2050 en remplacement du système de production alimentaire actuel,
alors l’effet émissif des systèmes de production serait sans effets sur le
bilan carbone du fait de la séquestration positive du carbone des terres agricoles
abandonnées.
En
définitive, même si on arrivait rapidement (à l’horizon 2050) à supprimer
totalement les émissions de gaz à effet de serre issus de la combustion des
ressources fossiles, on ne pourra pas faire l’impasse d’une réduction drastique
des émissions liées aux systèmes de production alimentaire si l’on veut ne pas
dépasser les limites du réchauffement climatique fixées aux accords de Paris.
*Michael
A. Clark et al. Science 6 Novembre
2020, N°6517, pp.705-707
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