Jeudi 5 Octobre 2023
Si vous vous promenez dans la campagne vous remarquerez facilement des terres à l’abandon dont la culture a cessé. En montagne vous pouvez même discerner les vestiges de murettes soutenant d’anciennes terrasses qui ont été cultivées il y a longtemps. Mais l’abandon ne concerne pas que l’agriculture, on a abandonné des mines non rentables ou épuisées, des usines dont les produits ne correspondaient plus à la demande ou étaient trop chers, des pans de forêt. Que deviennent ces espaces abandonnés ? Des écologistes* se sont interrogés sur leur devenir ; voici leur principales observations.
L’abandon, selon les auteurs de l’article, correspond à la fin des activités humaines sur un espace quel qu’il soit alors que l’on n’avait, pour référence, que la fin des activités agricoles considérées acquises après 5 ans d’absence de culture. Depuis 1950, 400 millions d’hectares de terre environ ont été abandonnées, le phénomène est plus important dans l’hémisphère nord ou la dépopulation rurale a été très forte, où l’intensification agricole a contraint à l’abandon de terres pauvre, difficiles d’accès. Des contraintes dues à la dégradation du milieu physique peuvent aussi en être la cause : érosion, volcanisme, inondations, pollutions.
Comment l’abandon redessine-t-il le milieu naturel ? Alors que l’on veut soustraire de nouvelles zones à l’activité humaine pour accroître ce milieu, la réponse à cette question est primordiale. En fait l’effet est variable.
Sur une terre intensivement cultivée, appauvrie en biodiversité, sur une forêt surexploitée, sur une zone minière, disons sur une zone non construite, l’abandon est positif. Il bénéficie à la forêt et à la végétation par réensemencement provenant des espèces végétales les plus proches, il bénéficie aussi à l’habitat des oiseaux et à celui des invertébrés, il y aura un ensauvagement passif avec retour des grands herbivores et carnivores qui étaient présents dans le voisinage le plus proche. Toutefois un retour à la situation préexistante, avant la conversion agricole puis l’abandon, ne sera pas atteint passivement même après des siècles, et les terres abandonnées ne retrouvent pas leur statut initial.
Il peut être négatif lorsqu’il existait un équilibre entre une culture de subsistance humaine et un milieu naturel très peu affecté. La coévolution entre l’espèce humaine et le milieu naturel a créé une grande hétérogénéité d’habitat. L’abandon peut alors conduire à une perte d’espèces locales rares et à une homogénéisation du milieu.
L’abandon peut favoriser le développement de plantes invasives, il peut aussi produire un glissement vers de nouvelles communautés qui n’ont rien à voir avec la situation antérieure à l’activité humaine. Enfin le paysage va se refermer et rendre plus difficile la lutte contre les incendies qui à leur tour vont produire des cascades de modifications de la diversité spécifique. D’une manière générale la biodiversité peut tout aussi bien s’accroître que diminuer.
Comment accompagner un abandon de terres vers une biodiversité optimale ? Les auteurs ne donnent pas de réponse à cet important sujet. Ils font état du peu de travaux qui lui ont été consacrés ne serait-ce que par une cartographie globale sur l’étendue et la persistance de l’abandon ou l’importance et la direction de l’effet de l’abandon sur la biodiversité. Ils invitent à leur meilleure prise en compte dans le futur.
*Organa N. Daskolova & Johannes Kamp, Science 12 Novembre 2023, N°6645, pp. 581-583.
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