Lundi 21 juillet 2008
Cette synthèse est publiée sur mon blog en 5 parties : avant Darwin, Darwin, après Darwin, les apports récents, théorie de l’évolution et société.
La partie historique doit beaucoup au livre de Stephen Jay Gould : La structure de la théorie de l’évolution (Gallimard 2000) que je conseille de lire à ceux qui s’intéressent à cette théorie.
III ) Après Darwin
Jusqu’à la fin du 19ème siècle et le début du 20ème siècle, la théorie de Darwin ne progresse pas, elle fait l’objet de nombreuses critiques et même de théories concurrentes. Elle tombe un peu dans l’oubli. Mais les prémisses de sa réhabilitation sont présentes dans la théorie des mutations de De Vries.
3.1 Hugo De Vries (1848-1935)
On connaît De Vries par le fait qu’il a redécouvert (avec Correns et Tschermak) les lois de Mendel au début du 20ème siècle. On connaît moins sa théorie des mutations (exposée dans "Intracellular pangenesis" 1889). Selon elle le noyau de la cellule contient toutes les particules (pangènes) nécessaires à la construction d’un organisme. « Les deux principales formes de variabilité proviennent pour l’une de la modification numérique du rapport entre les pangènes déjà présents, et, pour l’autre, de la formation de nouveaux pangènes ». De Vries avait observé chez les oenothères (Oenothera lamarckiana) l’apparition dans leurs descendances d’individus entièrement nouveaux par rapport au phénotype parental qu’il assimilait à de nouvelles espèces.
Pour De Vries l’espèce linnéenne recouvre un agrégat mal défini d’entités phénotypiquement distinctes (linnéons), et des sous types, qui apparaissent spontanément, capables de se reproduire à l’identique comme chez les oenothères. Ces sous types sont de véritables unités naturelles ou espèces élémentaires (jordanons) ; la mutation a ainsi produit de nouvelles espèces. Cette nouvelle façon de voir l’évolution correspond au saltationisme.
Malheureusement De Vries a travaillé sur un matériel totalement inadéquat. Les Oenothères possèdent un système chromosomique très particulier constitué de translocations réciproques (hétérozygotes de structure). Les chromosomes à la métaphase de la division cellulaire forment des anneaux et non des paires de chromosomes. Selon qu’il se forme un chiasma ou non lors de l’appariement on aura des gamètes équilibrés ou non (létaux) mais aussi possédant des génomes très différents d’où les écarts phénotypiques observés dans les descendances.
De Vries donnait une explication à l’origine de la variabilité observée par Darwin : les mutations ; bien que ses jordanons ne soient pas issus de vraies mutations. Sa théorie, partiellement juste, était malheureusement basée sur des observations fausses.
3.2 La synthèse moderne ou Néo-darwinisme.
Le darwinisme allait asseoir sa renaissance en intégrant l’ensemble des progrès de la biologie. La synthèse moderne s’est faite en deux phases : la première intègre le mendélisme à la théorie Darwinienne, la deuxième relie les sous disciplines de la biologie au noyau théorique fondé dans la première phase.
Ronald Aylmer Fisher (1890-1957). Ce fondateur de la génétique des populations peut-être aussi considéré comme le fondateur de la première phase. Il commence son ouvrage "The genetical theory of natural selection" (1930) en expliquant que le Darwinisme a besoin d’une théorie particulaire de l’hérédité afin de pouvoir rendre compte de façon autonome de la mécanique du changement évolutif.
L’acceptation de l’hérédité par mélange à laquelle croyait Darwin et ceux de son époque, posait un grave problème, celui de dégrader constamment les phénotypes favorables. R.A. Fisher allait, par de solides démonstrations mathématiques, intégrer la génétique mendélienne à la théorie de Darwin. La génétique de Mendel permettait en effet de considérer le gène comme une variable aléatoire discrète à laquelle on affecte une probabilité et de voir ce que devient cette probabilité dans toutes sortes de schémas reproductifs. Fisher a ainsi établi l’évolution des fréquences des phénotypes liés à deux allèles lorsqu’ils étaient soumis à mutation, migration ou sélection différentielle dans une population panmictique. Dans le cas de la sélection différentielle notamment, il a démontré que le phénotype défavorisé tendrait, après un très grand nombre de générations, à être éliminé ; ce qui confirmait la théorie de Darwin.
Sewall Wright mérite aussi une place parmi les grands de la synthèse moderne, car il a traité, dans plusieurs publications, du phénomène de dérive génétique qui intervient dans les populations à effectif limité. Pour ces populations, la fréquence des allèles chez les reproducteurs qui interviennent dans la réalisation de la génération suivante n’est pas entièrement liée à la fréquence des allèles de la génération à laquelle ils appartiennent car ils ont fait l’objet d’un tirage au sort parmi tous les reproducteurs potentiels. Le sort d’un allèle favorable ou défavorable, dans ces populations, est beaucoup plus incertain. Le traitement mathématique de ce problème est particulièrement ardu (processus stochastiques).
La seconde phase de la synthèse a consisté à relier les disciplines traditionnelles de la biologie au noyau théorique forgé durant la première phase. Y ont participé des auteurs comme. Mayr (1942) pour la systématique, Simpson (1944) pour la paléontologie, White (1945) pour la cytologie, Rensch (1947) pour la morphologie, Stebbins (1950) pour la botanique. Je ne connais pas ces auteurs, je dirai quelques mots seulement sur Ernst Mayr.
Ernst Mayr (1904-2005) s’est intéressé à la spéciation car il y avait un problème important à résoudre que Darwin n’a pu débrouiller : pourquoi la sélection naturelle n’aboutit-elle pas à un mélange total des individus, pourquoi se regroupent-ils en espèces ? C’est à partir de la connaissance du mécanisme de spéciation que l’on peut résoudre ce problème. Mayr accorde le rôle primordial à l’isolement géographique. La spéciation allopatrique (opposé à sympatrique à l’intérieur de l’espèce) est produite par l’isolement géographique d’individus appartenant à une espèce. La sélection naturelle, va favoriser les individus adaptés à leur nouveau milieu et leurs descendants s’éloigneront peu à peu phénotypiquement et génotypiquement de la population parentale. Cet éloignement sera total lorsque des mutations d’incompatibilité sexuelle apparaîtront dans l’isolat ; nous aurons alors une nouvelle espèce. Ceci nous sera aussi utile pour comprendre certains apports ultérieurs faits à la théorie de Darwin.
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